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Fiche technique :
Film américain de David LYNCH
Année : 1990
Avec Nicolas CAGE (Sailor Ripley), Willem DAFOE (Bobby Peru), Laura DERN (Lula Pace), Crispin GLOVER (Cousin Dell), Sherilyn FENN (la fille de l'accident), Diane LADD (Marietta Pace Fortune), Isabella ROSSELLINI (Perdita Durango), Harry Dean STANTON (Johnnie Farragut).
Scénario : David LYNCH d'après l'oeuvre de Barry GIFFORD
Directeur de la photographie : Frederick ELMES
Musique : Angelo BADALAMENTI
Montage : Duwayne DUNHAM
Décors : Patricia NORRIS
Durée : 127 mn
Genre : Comédie Dramatique
Titre français : Sailor et Lula |
L'histoire :
Jeffrey Beaumont, se rendant au chevet de son père victime d'une crise cardiaque, à Lumberton, découvre en cours de route une oreille dans un terrain vague. Après l'avoir apporté à son voisin, l'inspecteur Williams, il va mener sa propre enquête avec Sandy, fille Williams, et remonter jusqu'à Dorothy Vallens vivant sous la menace de Frank Booth qui a kidnappé son mari et son fils. Il découvrira alors la face cachée de la ville: derrière le vernis d'une charmante banlieue se dissimule un monde sous-terrain violent et obscur, face cachée d'un monde envahi par le sexe et la drogue.
Critique :
Si vous aimez la musique à fond la caisse, les bestioles cracra, les couleurs flashy et les coups de flingue déglingue, alors vous risquez d'adorer Sailor et Lula, monstrueuse cavale déjantée avec sentiments splash et coups de poing cartoon. Si vous préférez les films qui laissent un peu de place à l'imagination, vous plongent dans le mystère et vous baladent dans un subtil frisson, alors vous allez passer de sales moments en suivant l'épopée des amants maudits poursuivis par un tueur psychopathe.
Pour découvrir le talent de David Lynch (immense, lorsqu'il ne se contente pas de jouer les provocateurs), choisissez plutôt Mulholland Drive ou Lost Highway.
Palme d'or Cannes 1990
Gérard PANGON (Télérama)
Une fois n’est pas coutume, Sailor et Lula fait partie de ces Palmes d’or contestées. Jugé trop caricatural ou trop violent, il recèle pourtant des portraits à la psychologie haute en couleur... terrain de prédilection de David Lynch.
Sur fond d’un scénario plutôt classique, le spectateur se retrouve en effet constamment malmené par des images ou séquences "trash". La vomissure est filmée jusqu’à l’apparition des mouches, les coups de carabine décapitent littéralement leurs victimes (détail quand même supprimé de la version américaine), le tout entrecoupé de sexe enflammé et... de rock’n’roll bien rythmé ! Des exubérances à rattacher à l’adolescence définitivement tardive des protagonistes. En parallèle, leur pendant innocent amène à des références plus juvéniles comme le Magicien d’Oz. Et même jusqu’à l’apparition d’une bonne fée (sous les traits de Sheryl Lee, célèbre Laura Palmer dans Twin Peaks) pour déclencher un happy end final.
Dans ce jeu de surprises, le film singe un temps le road-movie classique (décapotable sur des routes interminables dans le désert) avant de s’en éloigner allègrement. Alors prennent place les personnages déjantés et les hallucinations. La déviance et la perversion de ces individus se dissimule peut-être sous des masques grossiers, mais il s’agit plus de travestissement que de déguisement. C’est de cette nuance que naît la richesse du film. Ainsi, lorsque Lula rêve, sa mère lui apparaît sur un balai, véritable sorcière à la poursuite du couple. Méchanceté ostentatoire mais les sorcières n’ont de place que dans les contes pour enfants. En résulte une scène plus amusante qu’inquiétante. Cependant, Lynch nous en livre une autre vision, beaucoup plus cauchemardesque et effrayante : faciès démoniaque, assoiffé de sang.
Lorsque la folie se répand sur son visage, cette fois la terreur gagne. On l’aura compris, l’univers de Lynch est bien planté dans ce film. Il n’y a plus qu’à tirer le rideau (rouge ?) pour y pénétrer. La scène nocturne de l’accident de voiture se range à la hauteur de ses œuvres à venir et plus accomplies. Comme ce que ressentent alors Sailor et Lula, le spectateur sera frappé du même trouble. Le talent du réalisateur entraîne tout dans un mouvement vertical, vers une chute inévitable. Lorsque la panique est rendue aussi palpable, l’écran fait place au théâtre, celui de la folie. En somme, voilà qui méritait bien une Palme...
Mathilde TELLIER (A Voir, A lire)
Deux allumettes qui s'embrasent et un mur de feu qui s'installe sur l'écran dès le générique. Horreur mais aussi beauté des images. Du grand Lynch.
Jean TULARD (Guide des Films, Collection Bouquins, Robert Laffont)
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