Retour Filmographie Luchino Visconti

OSSESSIONE



Fiche technique :
Film italien de Luchino VISCONTI
Année : 1942
Avec Massimo GIROTTI (Gino), Clara CALAMAI(Giovanna), Elio MARCUZZO(le mari).
Scénario : Mario ALICATA, Antonio PIETRANGELI, Gianni PUCCINI, Giuseppe DE SANTIS et Luchino VISCONTI, d'après le roman de James CAIN, "The postman always ring twice" (Le facteur sonne toujours deux fois)
Photographie: Aldo TONTI
Décors : Gino FRANZI
Costumes : Maria DE MATTEIS
Montage : Mario SERANDREI
Musique : Giuseppe ROSATI
Titre français : Les Amants diaboliques
Durée : 112 mn
Genre : Néo-réalisme




L'histoire :
Dans l'Italie fasciste des années 40, Gino, jeune chômeur, arrive dans une station service isolée de la plaine du Pô, où il est engagé. Il s'éprend de Giovanna, l'épouse de son patron, un homme grossier et égoïste dont elle est l'esclave. Les deux amants décident de s'enfuir après avoir assassiné le mari de Giovanna.


Critique :
Pas la meilleure adaptation du roman de Cain, mais une date dans l'histoire du cinéma italien. Influencé par Renoir et Carné et surtout par le romancier naturaliste Verga, Visconti tourne l'un des premiers chefs-d'oeuvre du néo-réalisme. Le film fit scandale par l'image qu'il donnait, en pleine domination fasciste, de l'Italie : le chômage, la misère, l'adultère.
Jean TULARD (Guide des Films, Collection Bouqins, Robert Laffont)


LE CINEMA ANTHROPOMORPHIQUE

par Luchino Visconti
Ce texte de Luchino Visconti est paru à l'occasion de la sortie du film, "Les amants diaboliques", en 1943.

"Qu'est-ce qui m'a amené à une activité créatrice au cinéma? (Activité créatrice: œuvre d'un homme vivant parmi les hommes. Qu'il soit clair que par ce terme je me garde bien d'entendre une chose qui se rapporte seulement au domaine de l'artiste. En vivant, tout travailleur crée dans la mesure où il peut vivre. C'est-à-dire dans la mesure où les conditions de son existence sont libres et ouvertes; pour l'artiste comme pour l'artisan et l'ouvrier.)

Non pas l'appel impérieux d'une prétendue vocation, concept romantique éloigné de notre réalité actuelle, terme abstrait, forgé à l'usage des artistes pour opposer leur activité privilégiée à celle des autres hommes. Car la vocation n'existe pas, ce qui existe c'est la conscience de sa propre expérience, le déroulement dialectique de la vie d'un homme au contact des autres hommes. Aussi, je pense que c'est seulement au travers d'une expérience vécue, stimulée quotidiennement par l'étude fervente et objective des faits humains, qu'on peut atteindre à la spécialisation.

Mais y atteindre ne veut pas dire s'y enfermer, en rompant tout lien social concret, comme cela arrive à beaucoup d'artistes, au point que la spécialisation finit souvent par servir à de coupables évasions de la réalité et pour parler crûment: par se transformer en une lâche abstention.

Je ne veux pas dire que tout travail est un travail particulier et dans un certain sens un "métier". Mais il ne sera valable que s'il est le produit de multiples témoignages de vie, s'il est une manifestation de vie.

Le cinéma m'a attiré parce qu'en lui se rejoignent et se coordonnent les élans et les exigences de beaucoup, tendus vers un meilleur travail d'ensemble. Il est clair que la responsabilité humaine du metteur en scène en est rendue extraordinairement intense mais, à condition qu'il ne soit pas corrompu par une vision décadente du monde, c'est cette responsabilité même qui l'orientera sur la voie la plus juste.

Ce qui m'a surtout conduit au cinéma, c'est le devoir de raconter des histoires d'hommes vivants: des hommes qui vivent parmi les choses et non pas les choses pour elles-mêmes.

Le cinéma qui m'intéresse est un cinéma anthropomorphique.

De toutes les tâches qui m'incombent en tant que réalisateur celle qui me passionne le plus est donc le travail sur les acteurs; matériel humain avec lequel on construit ces hommes nouveaux qui engendrent la nouvelle réalité qu'ils sont appelés à vivre, la réalité de l'art.

Parce que l'acteur est avant tout un homme. Il possède les qualités humaines clefs. Je cherche à me fonder sur elles en les graduant dans la construction du personnage: au point que l'homme-acteur et l'homme-personnage parviennent, à un certain point, à ne former qu'un seul.

Jusqu'à aujourd'hui le cinéma italien a plutôt subi les acteurs, en les laissant libres de pousser à l'excès leurs défauts et leur vanité: alors que le vrai problème est de se servir de ce que leur nature recèle de concret et d'original.

C'est pourquoi il est dans une certaine mesure important que les acteurs dits professionnels se présentent au metteur en scène avec la déformation que leur a value une expérience personnelle plus ou moins longue, qui les classe en types schématiques engendrés plus, en général, par des superpositions artificielles que par leur nature intime. Même si très souvent c'est une pénible tâche que de retrouver le nœud d'une personnalité dénaturée, c'est une tâche qui vaut du moins la peine d'être entreprise: simplement parce qu'au fond un être humain est toujours libérable et rééducable.

En s'écartant fermement des schémas antérieurs, de tout souvenir de méthode et d'école, on cherche à amener l'acteur à parler finalement un langage instinctif . On comprend que la peine ne sera pas inutile, à condition que ce langage existe, même s'il est enfoui et dissimulé sous cent voiles, c'est-à-dire s'il existe un réel "tempérament ". Je n'exclus naturellement pas qu'un grand acteur, dans le sens de la technique et de l'expérience, puisse posséder de telles qualités originelles. Mais je veux dire que souvent des acteurs moins illustres sur le marché, mais pas moins dignes pour autant d'attirer notre attention, en possèdent au même titre. Pour ne pas parler des acteurs non professionnels qui, outre le fait d'apporter la contribution fascinante de la simplicité, en ont souvent de plus authentiques et de plus saines, parce que précisément, en tant que produits de milieux non pervertis, ce sont souvent des hommes meilleurs. L'important est de les découvrir et de les révéler. Voilà où il est nécessaire que cette capacité de divination du réalisateur intervienne, dans un cas comme dans l'autre.

L'expérience m'a surtout appris que le poids de l'être humain, sa "présence", est la seule "chose" qui remplisse vraiment l'écran, que l'ambiance est créée par lui, par sa vivante présence, et que c'est par les passions qui l'agitent qu'elle acquiert vérité et relief . Au point même que son absence momentanée du rectangle lumineux ramènera tout à une apparence de nature morte.

Le geste le plus humble de l'homme, son pas, ses hésitations et ses impulsions, donnent à eux seuls poésie et vibration aux choses qui l'entourent et au milieu desquelles ils se situent.

Toute autre solution du problème me paraîtra toujours un attentat à la réalité telle qu'elle s'offre à nos yeux: faite par les hommes et continuellement modifiée par eux.

Le propos est à peine esquissé, mais fixant mon attitude sans équivoque, je voudrais conclure en disant (comme j'aime souvent à le répéter): je pourrais faire un film devant un mur si je savais retrouver les données de la véritable humanité des hommes placés devant un élément de décor nu: les retrouver et les raconter."


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