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Fiche technique :
Film français de Jean RENOIR
Année : 1935
Avec René LEFEVRE (Amédée Lange), Jules BERRY (Paul Batala), FLORELLE (Valentine Cardès), Nadia SIBIRSKAÏA (Estelle), Sylvia BATAILLE (Edith), Henri GUISOL (le fils Meunier), Maurice BAQUET (Charles, le fils des concierges), Edmond BEAUCHAMP (le curé dans le train).
Scénario : Jacques PREVERT sur une idée de Jean RENOIR et Jean CASTANYER
Dialogues : Jacques PREVERT
Assistants réalisateurs : Georges DARNOUX, Jean CASTANIER
Musique : Jean WIENER
Chanson : Joseph KOSMA et Jacques PREVERT : "Au jour le jour, à la nuit, la nuit", orchestre sous la direction de Roger DESORMIERES
Directeur de la Photographie : Jean BACHELET, assisté de CHAMPION
Montage : Marguerite RENOIR
Décors : Jean CASTANIER et Robert GYS, assistés de Roger BLIN
Script-girl : Marguerite RENOIR
Format : Noir et blanc
Genre : Comédie Dramatique
Durée : 83 minutes |
L'histoire :
M. Lange est employé dans la société d'édition de Batala, patron véreux et sans scrupules. Durant ses heures de loisir Lange écrit des histoires : les aventures d'Arizona Jim. Batala menacé de poursuites pour n'avoir pas honoré un contrat publicitaire, décide de publier Arizona Jim, en modifiant à l'insu de l'auteur certains passages afin d'intégrer des réclames au texte. Ne pouvant plus honorer ses dettes Batala prend la fuite. Le train, dans lequel il s'enfuit a un grave accident, et on l'annonce mort. Les employés des éditions Batala s'organisent en coopérative, et lancent un nouveau magazine dont Arizona Jim est la figure principale. C'est un immense succès auprès du jeune public. Mais quelque temps plus tard, Batala, qui avait profité de l'accident de train pour voler l'identité d'une des victimes revient et réclame une part des bénéfices...
Critique :
Quand le plus grand cinéaste français, Jean Renoir s'acoquine avec Jacques Prévert, qu'est-ce que ça donne ? Nous sommes en 1935 et l'accouplement hypermédiatisé de Marcel Carné et Jacques Prévert n'a pas encore eu lieu (il faudra attendre un an pour qu'ils accouchent de leur première collaboration, Jenny).
Contrairement aux films lourdement poétiques de ce couple célèbre (Drôle de drame, les Enfants du paradis, Quai des brumes...), Le Crime de Monsieur Lange trimballe encore aujourd'hui une fraicheur et une innocence qui sont comme autant de symptômes du grand cinéma. Sur une histoire naïve, presque enfantine, Renoir brosse une fresque intime de l'émancipation et de la libération sociale. On connaît l'argument : alors que l'éditeur-escroc Batala s'enfuit et se fait passer pour mort, ses ouvriers décident de créer une coopérative. Grâce aux aventures exaltées d'Arizona Jim que publie le rêveur monsieur Lange, les nouvelles éditions rencontrent le succès. Batala réapparaîtra in extremis, déguisé en prêtre, bien décidé à reprendre son affaire en main.
A partir de cette trame très simple, Jean Renoir et Jacques Prévert s'étourdissent d'amour fou, celui qui colle aux corps d'Amédée Lange et de la blanchisseuse Valentine, qui fut autrefois la maîtresse de Batala, sans oublier d'exalter le travail libre, comme au bon vieux temps surréaliste et militant du groupe Octobre.
Tout le film est un flash-back, l'histoire que racontent Lange et sa lingère à un véritable "jury populaire" dans un café, près de la frontière belge. Doit-on les "acquitter" du meurtre de l'abominable Batala ? Le spectateur est convié, en même temps que les clients du café, à juger le couple en fuite.
Imprégné de l'esprit Front Populaire, Le Crime de Monsieur Lange prend le parti d'une esthétique idéalisée, celle de la féérie, pour reprendre l'expression astucieuse de François Truffaut. Le film, joyeusement anarchiste, mélange avec grâce le lyrisme des actrices (Florelle, Sylvia Bataille, Nadia Sibirskaïa) et un classicisme inégalé du plan-séquence. Le génie, ici, c'est évidemment Jules Berry, féroce, fordien, et d'une humanité étrangement démoniaque.
Louis SKORECKI, Libération.
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