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Fiche technique :
Film américain de Clint EASTWOOD
Année : 2008
Avec Angelina JOLIE (Christine Collins), John MALKOVICH (le révérend Briegleb), Michael KELLY (Lieutenant Lester Ybarra), Colm FEORE (le chef de la Police James E. Davis), Amy RYAN (Carol Dexter, la prostituée internée), Jeffrey DONOVAN (Capitaine J. J. Jones), Jason Butler HARNER (Gordon Northcott), Geoff PIERSON (Sammy Hahn), Denis O'HARE (le docteur Jonathan Steele), Devon CONTI (le faux Walter Collins), Eddie ALDERSON (Sanford Clark), Gattlin GRIFFITH (Walter Collins), Peter GERETY (le docteur Earl Tarr), Reed BIRNEY (le maire George Edward Cryer), Frank WOOD (Ben Harris, le supérieur de Christine Collins), Asher AXE (David Clay, le garçon retrouvé), Morgan EASTWOOD : la jeune fille en tricycle.
Scénario : Joseph Michael STRACZYNSKI
Directeur de la Photographie: Tom STERN
Direction artistique : Patrick M. SULLIVAN Jr.
Montage: Joel COX et Gary D. ROACH
Musique : Clint EASTWOOD
Décors : James J. MURAKAMI
Costumes : Deborah HOPPER
Durée : 135 mn
Genre : Drame



 





L'histoire :
Los Angeles, 1928. Christine Collins (Angelina Jolie), mère célibataire et opératrice téléphonique, laisse à la maison son fils de neuf ans, Walter (Gattlin Griffith) pour aller travailler. Alors que son supérieur lui propose une promotion, Christine manque le tramway qui devait la ramener chez elle. Le soir, quand elle rentre, elle retrouve la maison vide. Quelques mois plus tard, la LAPD informe Christine que Walter a été retrouvé vivant et en bonne santé. Désireuse de redorer son blason après de récentes critiques, la police décide de convier la presse aux retrouvailles de la mère et de l'enfant. Mais, contre toute attente, et malgré le fait que « Walter » (Devon Conti) assure être le fils de Christine, cette dernière ne le reconnaît pas. Le capitaine J. J. Jones (Jeffrey Donovan), chef de la brigade des mineurs de Los Angeles insiste et fait pression sur Christine qui accepte de recueillir le garçon chez elle.








On imagine l'embarras de Sean Penn, présidant le jury du dernier festival de Cannes : l'acteur vénère Clint Eastwood à qui il doit son oscar (pour Mystic River). Il aurait sans doute aimé lui remettre la Palme d'or. Seulement voilà, L'Echange n'est pas exactement un grand film. Ou alors un "grand film malade", selon la vieille formule paradoxale. Eastwood a la main lourde. Sa division du monde entre bons et méchants a rarement été aussi caricaturale.
Et il loupe la scène clé du film, celle qui conditionne tout : ce moment inaugural où l'héroïne, mère célibataire dont le garçonnet a disparu, se laisse convaincre par la police de reconnaître et de ramener à la maison un enfant qu'elle sait avec certitude ne pas être le sien... Pourtant, ce phénomène étrange a bien eu lieu à Los Angeles, en 1928 : L'Echange est tiré d'une histoire vraie, un carton le signifie d'emblée, comme pour donner du crédit à l'inconcevable. Mais la véracité n'est pas une garantie de vérité à l'écran. Clint Eastwood ne sait pas faire croire à l'énigmatique lapsus de son personnage, ce oui pour un non.
Pour autant, L'Echange est loin d'être ennuyeux ou dénué d'intérêt. Le fameux storytelling hollywoodien (l'art de raconter les histoires) opère, la situation est intrinsèquement forte, sur fond de rappels historiques - corruption et méfaits des autorités judiciaires et politiques de L.A. Ensuite, le film est étonnamment composite. Beaucoup d'éléments hétérogènes, intermittents ou inopinés, viennent bousculer sa linéarité. C'est d'abord la violence hallucinante de certaines scènes, massacres d'enfants ou exécution par pendaison, et, plus généralement, la dimension arriérée de cette Amérique barbare et misogyne, courant vers la crise de 29 (tiens...)
C'est aussi le choix a priori périlleux ­d'Angelina Jolie pour tenir le rôle principal. Ou comment Lara Croft (guerrière de jeux vidéo qui a fait la gloire de l'actrice) utilise sa maigreur de top-modèle pour exprimer une vulnérabilité de plus en plus émouvante, échalas glissant sur ses patins à roulettes d'opératrice en chef des télécoms - belle idée qui dit en même temps l'aise et l'entrave. Le scénario ne lui épargne aucune cruauté, et elle rejoint à la fin les grandes figures du mélo à l'ancienne, élégante et radieuse dans son malheur. De façon plus latente, quelque chose cloche et intrigue dans la reconstitution, les rues sont quasi vides, la ville paraît inhabitée, la maison de l'héroïne, lugubre comme un ­caveau, même avant la disparition du fils. De sorte qu'on pourrait croire à l'imminence d'une révélation funeste, un peu comme dans Les Autres, ce thriller où Nicole ­Kidman s'aperçoit qu'elle et ses enfants sont morts depuis longtemps... De ce point de vue, et malgré le mot clé du film (espoir), les fans d'un Eastwood crépusculaire, popularisé par Million Dollar Baby, ne seront sans doute pas déçus.

Louis Guichard (Télérama)








L'ECHANGE : BON PROCÉDÉ

L'histoire, inspirée d'un fait divers authentique, est pourtant une mine de diamants pour scénaristes. Elle raconte comment, dans le Los Angeles de la fin des années 20, la belle Christine Collins, une femme élevant seule son fils de 9 ans, va devoir affronter la volatilisation de celui-ci. Fugue, rapt, crime ? Quelques mois plus tard, la police lui présente un garçonnet dans lequel Christine ne reconnaît pas son Walter, ce qui n'arrange pas du tout les affaires des inspecteurs chargés de l'enquête, qui vont dès lors faire subir l'enfer à la récalcitrante (intimidations ignobles et internement en HP). Christine n'en démord pas : ce fils n'est pas le sien et tout le film va l'épauler dans sa quête tragique de vérité.
Emouvant. Outre l'anecdote "historique" elle-même, l'affaire Collins, sur laquelle l'Echange est exclusivement concentré, déborde largement le cadre apparent d'un drame familial particulièrement émouvant. C'est tout le portrait d'une ville corrompue jusqu'à la moelle qu'Eastwood entreprend de restituer, donnant du même coup à son film la portée politique, quoique manichéenne, nécessaire à sa consistance. Et c'est ce regard-là qui permet à l'Echange de transgresser les frontières du mélo pour devenir plus largement un film de société, dont l'impact se prolonge jusqu'à nous : la Californie du début du XXe siècle présente en effet plus d'un point commun avec celle d'aujourd'hui, comme avec toutes les parties du monde où les droits les plus élémentaires sont, sciemment ou sournoisement, bafoués.
La meilleure part de l'Echange tient à son casting, que domine une Angelina Jolie jamais vue : intense mais discrète, habitée mais retenue, très belle mais jamais éblouissante. Eastwood la maintient en effet dans un registre de braise qui couve mais ne s'enflamme pas, ou pas trop fort. A l'image du chapeau cloche qu'elle porte presqu'à chaque plan, la Jolie a mis une sorte d'abat-jour à son irradiant rayonnement et c'est heureux. Dans de nombreux plans, c'est à peine si l'on voit ses yeux terribles, parce qu'Eastwood prend bien soin de les ombrer, de les masquer sous les coiffes et coiffures.
Défi. A ses côtés, John Malkovich campe un révérend Gustav solidaire et magnétique, tandis qu'en face d'elle, Jeffrey Donovan en flic Jones et surtout Jason Butler Harner, solide suspect, opposent une interprétation féroce.
La reconstitution s'inscrit dans le grand genre hollywoodien sans que jamais pourtant Eastwood ne donne le sentiment d'être vraiment inspiré par le défi que constitue pour lui la recréation d'une époque qui est celle de sa propre enfance. Trop confiant, peut-être, dans son histoire et dans sa distribution, il laisse son film avancer mécaniquement, plaçant le spectateur dans la situation du passager d'une limousine «full options» certes confortable, mais gentiment ennuyeuse et avec trop de climatisation.

Olivier Séguret (Libération)








"L'Echange" : l'appel à la résistance de Clint Eastwood
Clint Eastwood, 77 ans, a une drôle de manière de voyager dans le temps. Plus les années passent, plus son cinéma se tourne vers le passé. Et maintenant qu'on est entré dans le XXIe siècle, il propose avec L'Echange un film d'un classicisme épuré, qui utilise le vocabulaire du vieil Hollywood avec une sincérité et une puissance d'expression qu'il est le seul à pouvoir susciter – question de foi dans le cinéma, sans doute.
A cette admiration devant la forme, il faut ajouter la quasi-stupeur qui saisit en comprenant au bout de quelques plans que L'Echange, film noir (le cinquième de son auteur à être en compétition à Cannes), est aussi un grand film politique, qui parle avec autorité et compassion de l'Amérique d'aujourd'hui.
Le scénario de J. Michael Straczynski (qui a surtout travaillé pour des séries télévisées et des comics) s'inspire d'un fait divers réel : en 1928, Walter Collins, un enfant de 9 ans, disparaît. Quelques semaines plus tard, la police de Los Angeles rend à sa mère, Christine, qui a élevé seule son fils, un enfant qui affirme être Walter. Elle ne reconnaît pas ce petit garçon et engage un combat inégal avec le Los Angeles Police Department (LAPD). Dans le même temps, la police découvre l'existence de Gordon Northcott, un tueur en série qui attire des petits garçons sur son ranch avant de les tuer et de les dépecer.
Les premières séquences, qui conduisent à la disparition de Walter, montrent le monde tel qu'il était juste avant que Clint Eastwood n'y entre. Les Etats-Unis modernes sont presque formés, Christine Collins (Angelina Jolie) vit dans une maison de plain-pied, il y a un réfrigérateur, une radio, une baignoire. Christine Collins travaille pour une entreprise de haute technologie, la Pacific Electric. Elle dirige un grand standard téléphonique, dans lequel elle circule en patins à roulettes. La Grande Dépression n'est pas encore là. Mais la cité est corrompue et sur les ondes, un pasteur presbytérien, Gustav Briegleb (John Malkovitch), prêche sans relâche contre les exactions et les crimes du LAPD, dirigé par James E. Davis.
Ce fossé entre la sécurité des foyers et la déliquescence sociale est un gouffre dans lequel le film s'installe. Pour empêcher Christine Collins de se faire entendre et d'exposer l'incompétence de l'institution, la police utilise tout l'arsenal répressif et peut compter sur l'appui du corps médical.
La reconstitution historique est impeccable, les moyens de la mise en scène et du scénario d'une limpidité parfaite. Chaque scène débute comme un acte liturgique, on sait ce qui sera dit, ce qui sera fait par chacun des personnages. Quand le chef de la brigade des mineurs, J.J. Jones (Jeffrey Donovan), tente de ramener Christine Collins à la raison, les répliques tombent comme des cartes à jouer. Et pourtant, elles sont aussi cruelles que si l'on n'avait jamais vu un bourreau de cinéma torturer une innocente.
MONSTRE MODERNE
Porté par l'énergie farouche d'Angelina Jolie, le personnage de Christine Collins est une héroïne classique qui affronte un monstre résolument moderne. Cette modernité est incarnée par le capitaine Jones, technocrate de la répression et de la corruption, dont Jeffrey Donovan fait l'un des meilleurs méchants de cinéma que l'on ait vu récemment, lisse, sans affect, indestructible.
Ce que veut dire Clint Eastwood apparaît très vite avec une clarté foudroyante : la société américaine demande parfois à ses membres d'échanger leur liberté contre un peu de tranquillité. Le LAPD pratique les exécutions extrajudiciaires et – selon les termes du bon pasteur Briegleb – ne lutte contre la pègre que pour éliminer la concurrence. Elle aime aussi à faire interner sans procès les gêneurs, comme ces femmes de policiers qui voudraient porter plainte parce que leurs maris les battent.
Très précisément, Clint Eastwood fait coïncider des éléments du scénario de L'Echange avec des titres de journaux de 2008. Ces arrestations arbitraires, cette corruption n'ont pas été extirpés, tout a repoussé depuis. Alors que le dernier film d'Eastwood, Mémoire de nos pères (2006), était une réflexion sceptique et désenchantée sur l'imperfection de la démocratie américaine, L'Echange est à la fois un formidable thriller et un appel pressant à la résistance.

Thomas Sotinel (Le Monde)








Le cinéaste revisite l’Amérique de son enfance avec un efficace thriller mélodramatique.Et sert un oscar sur un plateau à Angelina Jolie.
Comme tous les artistes qui produisent régulièrement et qui vieillissent, Clint Eastwood est “victime” d’une certaine forme d’accoutumance. Comme avec Woody Allen, Claude Chabrol, ou Patrick Modiano en littérature, on s’habitue inconsciemment, la vibration extrême de la surprise devient rare, on se glisse confortablement dans les retrouvailles avec un créateur familier et on évalue avec un rien de routine la qualité du nouveau millésime. Ainsi, du moins à nos yeux, le cru Eastwood 2008 est bon, mais pas exceptionnel.
Inspiré d’un invraisemblable fait divers qui défraya la chronique à Los Angeles dans les années 20, L’Echange raconte l’histoire de Christine Collins, standardiste élevant seule son fils de 8 ans. Ce dernier disparaît un jour. La police le retrouve quelques semaines plus tard : léger problème, le garçonnet n’est pas son fils. S’ensuit un bras de fer entre le pot de terre Collins qui veut retrouver sa vraie progéniture et le pot de fer de l’institution policière qui veut à tout prix afficher un succès pour redorer son blason.

On retrouve dans L’Echange une ligne qui traverse tout le cinéma américain depuis les origines, celle opposant l’individu solitaire à la puissance d’un système. Christine Collins vient ainsi compléter la galerie “eastwoodienne” de personnages écartés du rêve américain après Bird, le Honkytonk Man, ou encore la jeune boxeuse de Million Dollar Baby. Collins est ici une figure doublement “faible”, de par sa condition sociale et parce que c’est une femme seule, qui doit affronter des institutions puissantes contrôlées par des hommes, dans une société fortement masculine et patriarcale.
Cet aspect prend un tour effrayant dans les séquences de l’hôpital psychiatrique, passages où l’Amérique décrite par Eastwood ressemble à une dictature fasciste ou stalinienne, où règnent l’arbitraire et la violence des appareils de domination. Cette noirceur touche aussi l’enfance, comme dans Mystic River ou Un monde parfait. Des ogres rôdent, dans une société gangrenée par la crise économique où se multiplient les orphelins et autres enfants abandonnés.
Cette sombre fresque américaine est portée par un classicisme fluide et tiré à quatre épingles. Clint Eastwood impressionne par la qualité sobre de sa reconstitution historique, l’élégance de ses travellings et fondus-enchaînés et cette aisance avec laquelle il circule du particulier au collectif, brossant à la fois le portrait d’une femme et d’une société. D’où vient alors notre légère réserve ?
Peut-être de cette perfection justement, du sentiment que le film défile comme du papier à musique, sans fausses notes, mais sans surprise non plus, comme si tout semblait joué d’avance. Cet excès de maîtrise est incarné par la performance d’Angelina Jolie, qui porte le film sur ses graciles épaules : techniquement irréprochable, le travail de madame Pitt est taillé dans le bois dont on fait les oscars. Ce qui résume un film impeccablement peaufiné, qui assure son programme sans jamais se laisser déborder.

Serge Kaganski (Les Inrocks)








La Cité des enfants perdus par Fabien Reyre
En 2008, plus que jamais, la force sereine de Clint Eastwood épate. Après plus de trente ans de carrière, le cinéaste cumule les films (son prochain long-métrage, Gran Torino, sort ce Noël aux États-Unis) tout autant que les louanges de la presse et la reconnaissance de ses pairs. Souvent, le succès public est au rendez-vous : en 2004, Million Dollar Baby dépassait les 100 millions de dollars au box-office américain. En bref, Eastwood est un réalisateur respecté et admiré… Peut-être un peu trop ? En réalité, si le vieux Clint est si passionnant, c’est en partie parce que la qualité de son œuvre varie considérablement d’un film à l’autre, frôlant de temps à autre le consensus (Impitoyable, Sur la route de Madison), hélas pas toujours justifié (Mystic River, Million Dollar Baby). Évolutive et surprenante, la filmographie de Clint Eastwood cinéaste se redécouvre, se discute et interroge constamment le spectateur.

Suite sur le site de Critikat






Changeling - Interviews with Angelina Jolie & Clint Eastwood







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