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L'INNOCENTE



Fiche technique :
Film italien de Luchino VISCONTI
Année : 1976
Avec Giancarlo GIANNINI (Tullio Hermil), Laura ANTONELLI (Giuliana), Jennifer O'NEILL (Teresa), Didier HAUDEPIN (Federico).
Scénario : Scénario : Suso CECCHI D'AMICO, Enrico MEDIOLI, Luchino VISCONTI, d'après le roman de Gabriele D'ANNUNZIO "L'intrus".
Directeur de la photographie : Pasqualino DE SANTIS
Montage : Ruggero MASTROIANNI
Son : Claudio MAIELLI
Décors : Mario GARBUGLIA
Costumi: Piero TOSI
Musique : FRanco MANNINO, CHOPIN, MOZART, LISZT, GLUCK
Titre français : L'Innocent
Durée : 128 mn
Genre : Drame




L'histoire :
Tullio Hermil est un homme froid et psychotique. Il ne supporte pas grand monde, et quand il apprend que sa femme a un amant et un enfant, il laisse ce dernier mourir de froid. A ce moment, sa femme et sa maîtresse le quittent. Il se suicide.

Critique :
Dernier film de Visconti et rencontre - enfin - avec D'Annunzio pour une oeuvre testamentaire. Tout Visconti est dans ce film : son esthétisme, qui apparaît dans son sens fabuleux des décors (pas une dorure, pas une dentelle ne fait défaut); son refus des contraintes morales et des des valeurs établies (l'assouvissement du désir est la loi de Tullio); ses obessions sociales (la peinture sans concessions de la haute bourgeoisie),
Dernier regard un peu froid, un peu hautain que porte le maître sur cette Italie de la seconde moitié du XIXème siècle qu'il aura tant contribué à faire connaître.
Jean TULARD (Guide des Films, Collection Bouquins, Robert Laffont)

L'ultime film tourné par Visconti fut mal accueilli. On y vit un mélodrame boursouflé. On s'étonna que le cinéaste adapte Gabriele D'Annunzio, écrivain phallocrate qui contribua à l'éclosion du fascisme. L'Innocent est l'histoire de la désagrégation d'une famille, mais aussi d'une certaine société et d'une certaine Italie. Ce thème hanta toute sa vie l'auteur du Guépard, qui renoue ici avec la simplicité d'un genre populaire, le mélodrame. Il y exprime son goût pour les traditions et sa foi dans les idées progressistes. Aristocrate et communiste, Visconti célèbre la beauté des corps, des objets et des paysages, pour replacer l'homme face à ses engagements et à sa morale.
Visconti savait qu'il signait là son testament. Paralysé, il dirigea tout le tournage depuis un fauteuil roulant. Et l'on sent à quel point ce film, traversé par des brusques éclairs de sensualité, est rongé par d'inéluctables souffrances. Le final, déchirant, sonne comme un adieu. La mai, frêle et tavelée, qui tourne les pages du livre durant le générique est celle de Visconti...
Philippe PIAZZO, Télérama

De femmes-canapés

Est-ce parce que l'on sait que la main tavelée, maigre, exsangue, fragile, qui tourne, pour le générique, les pages du roman de Gabriele D'Annunzio, L'INNOCENTE, est la main de Visconti qui va mourir? On est tenté de donner à ce film le poids d'un testament, d'un message ultime. Ce poids, il ne l'a pas - beaucoup moins en tout cas que VIOLENCE ET PASSION - et il ne veut pas l'avoir. Une nouvelle fois, Visconti orchestre le magnifique pas de deux que dansent en lui, et sur l'écran, fascination et hostilité devant le spectacle offert par une société aristocratique moribonde.

Société datée, comme toujours chez Visconti, avec une précision d'historien. C'est l'Italie, plus exactement la haute société romaine , fin de siècle". Visconti la saisit à travers un roman de D'Annunzio, espèce de Paul Bourget survolté mâtiné d'un Barres qui aurait mal digéré Nietzsche. Et donnant, à tête complètement perdue, dans le mélodrame mondain du style "Non, Gontran! Non! Par pitié! N'ajoutez pas au martyre d'une femme qui tombe! " avec voilette arrachée sur fond de tentures pourpres en velours de Gênes dans l'entêtante odeur des tubéreuses.
Aussi bien par le jeu des comédiens que par les péripéties de l'action, Visconti respecte les données du mélodrame mondain: belle et noble épouse bafouée crucifiée par un mari don Juan pour alcôves copurchic; vertige d'un soir dans les bras d'un écrivain (bien sûr) aussi célèbre qu'irrésistible, patatras! un enfant, c'est la honte, un bâtard, que le mari jaloux tue la nuit de Noël en l'exposant à un courant d'air un peu vif. Un infanticide à l'instant précis de la Nativité: un enfant sort, entre un sauveur - faut le faire.

Des femmes-canapés.
Visconti le fait. Et somptueusement. Il détourne le mélodrame mondain, qui lui devient un prétexte pour peindre une société qui n'existe plus que par la représentation d'elle-même qu'elle se donne à elle-même - soirées musicale réceptions, dîners fins. Société fermée sur soi dans le court-circuit de ses passions amoureuses - huis clos capitonné des salons, des chambres, des villas, et dont la puissante présence acordée par Visconti au décor et aux objets qui l'occupent accroît l'étouffante pression. Les autres n'interviennent dans ce monde verrouillé que par le truchement de la servilité. Le seul métier, la seule fonction plutôt: domestique. Le peuple n'est qu'un bruit qu'on fait à peine courir.

Mais les beaux messieurs, les belles dames existent-ils davantage ? Les hommes sont des insectes de luxe corsetés dans la carapace de l'habit de soirée (pour la représentation sociale) ou du plastron d'escrimeur (pour l'entraînement en prévision des drames de l'honneur, autre théâtre). Harnachées, emplumées, empomponnées, embijoutées, les femmes sont bouquets, parures, bibelots, meubles. Visconti donnant aux robes la couleur dominante du décor à l'intérieur duquel elles se meuvent, voilà les chéries métamorphosées en canapés à volants.

Tout cela meurt, tout cela est mort: comme le bébé innocent asphyxié par le froid, tout cela ne respire plus, si ça gigote encore. Tout cela est condamnable, à force d'égoïsme et d'aveuglement, mais comme tout cela a été élégant, raffiné, beau et comme tout cela redevient beau le temps d'un spectacle de film sur un écran dans la nuit.

Jean-Louis BORY
Le Nouvel Observateur - 1976


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