Fiche technique :
Film américain de David LYNCH
Année : 1980
Avec John HURT (John Merrick, Elephant Man), Anthony HOPKINS (Dr. Frederick Treves, chirurgien), Anne BANCRODT (Mrs. Madge Kendal, actrice), John GIELGUD (Carr Gomm, directeur de l'hôpital, Wendy HILLER (L'infirmière en chef), Freddie JONES (Bytes, propriétaire d'Elephant Man), Hannah GORDON (Mrs. Treves), Michael ELPHICK (Le gardien de nuit), Lesley DUNLOP (infirmière Nora), Helen RYAN (La princesse Alex), Kenny BAKER (un nain), John STANDING (Dr. Fox).
Scénario : Eric BERGEN, Christopher DE VORE, David LYNCH d'après l'oeuvre de Frederick TREVES et Ashley MONTAGU
Photographie: Frederick ELMES, Herbert CARDWELL
Décors, Effets Spéciaux, Montage-Image : David LYNCH
Assistante à la Mise en Scène : Catherine E.COULSON
Effets spéciaux son : Alan SPLET, David LYNCH
Prise de son sur le tournage, Montage-Son, Mixage : Alan SPLET
Musique : "La dame du radiateur", Chanson composée et chantée par Peter IVERS
Musique empruntée : Fats WALLER (orgue)
Durée : 89 mn
Genre : Fantastique
L'histoire :
A Londres, en 1884, le chirurgien Treves achète l'attraction d'une baraque foraine, l'homme-éléphant. L'homme, défiguré, est pourvu d'une grande sensibilité et devient l'idole des salons. Une actrice, Mrs Kendal, le fait partaître dans un théâtre. Il meurt dans la nuit.
Critique :
Emouvant chef-d'oeuvre, inspiré de faits authentiques. Une splendide image de Freddie Francis et une interprétation remarquable de John Hurt ajoutent encore à l'émotion que provoque ce vigoureux pladoyer en faveur de la dignité des "monstres".. Jean TULARD Guide des Films, collection Bouquins
C'est un chef-d'oeuvre, d'une noirceur, d'une violence (suggérée) et d'un humanisme qui n'ont qu'un égal dans l'histoire du cinéma, le mythique Freaks de Tod Borwning. Servi par une superbe photo Freddie Francis, qui restitue les ombres de la société victorienne, par une exceptionnelle interprétation d'Anthony Hopkins, Anne Bancroft et de John Hurt (sous un ahurissant maquillage), Lynch signe un film poignant : ce n'est pas l'aspect physique de l'homme-éléphant qui est insoutenable mais ce que les autres lui font endurer. Les scènes où Merrick répète : "Je ne suis pas un animal , je suis un être humain...", la sarabande des curieux qui abusent de lui ou les sévices perpétrés par Bytes sont autnat de moments bouleversnats. Produit par Mel Brooks, qui avait apprécié Eraserhead, Elephant Man dévoile quelques unes des obsessions de Lynch.
(Télérama)
Il a des allures de clergyman, des chemises austères, boutonnées jusqu’au cou, un imaginaire de psychopathe. Il aime les univers macabres, les mondes cruels. Il est fasciné par les difformités physiques. Il trouve que, d’un point de vue strictement photographique, il n’y a rien de plus beau qu’une escarre. David Lynch est un charmant garçon ! A Philadelphie, où il passe une partie de son enfance, son voisin est employé à la morgue municipale. Avec lui, David Lynch apprend l’envers du décor : derrière les jolies maisons blanches de la ville, bordées de massifs de tulipes, il comprend qu’il se passe de drôles de choses.
Avec « Eraserhead », son premier long-métrage, David Lynch devient vraiment infréquentable. Il y raconte l’histoire crépusculaire d’un zombie, d’une jeune fille bizarroïde et de leur enfant, sorte de clone entre E.T. et un lapin écorché vif. Le tout filmé dans un noir et blanc qui sent la fumée, les poumons encrassés et les zones industrielles. Malaise et nausée garantis.« C’est un film plutôt amusant »,dit laconiquement son auteur. Le magazine « Time » le baptise « le tsar du bizarre », et Mel Brooks lui confie la réalisation de sa première production, « Elephant Man ». Cette créature difforme de l’Angleterre victorienne fait le tour du monde. Lynch devient le chouchou de Hollywood. Et un chouia mégalo. Il s’attaque au monument de la SF, le célèbre roman de Frank Herbert, « Dune ». Il en fait un fourre-tout kitsch de 40 millions de dollars et se paie avec sa productrice, Raffaella De Laurentiis, un flop gigantesque. En 1986, il revient à son univers personnel et signe sans doute son plus beau film : « Blue Velvet ». Portrait détonant d’une petite ville de province. D’un côté, ses petites maisons proprettes, ses barrières blanches, ses jardins fleuris et ses gens heureux. De l’autre, son voyeurisme, son sadomasochisme, ses castrations et ses drogues. On n’a pas oublié Isabella Rossellini suppliant à genoux Kyle Mac-Lachlan de la battre. Ni Dennis Hopper, qui ne peut atteindre l’orgasme qu’en inhalant un gaz euphorisant. Saisissant !
Le plus grand de ses succès – qui est loin d’être son meilleur film – vient quatre ans plus tard. « Sailor et Lula » obtient, le 21 mai 1990, sous les sifflets et les applaudissements, la palme d’or au Festival de Cannes, et rapportera des montagnes de dollars. Son « imagination créatrice », comme il dit, carbure à cent à l’heure. Et dans d’autres domaines que le cinéma. Télévision : il est, entre autres, l’auteur du célèbre feuilleton « Twin Peaks » (par la suite devenu un film), tableau au vitriol d’une petite ville américaine. Il en a édité la bande sonore, les cassettes, a commercialisé tasses et tee-shirts et a publié le journal intime de la jeune fille assassinée au début de la série, écrit par sa fille Jennifer (auteur de « Boxing Helena ». Décidément, le goût pour les mutilations, c’est de famille !). Peinture : il expose à New York et à Los Angeles des oeuvres étranges aux titres drolatiques. Publicité : il a signé des spots pour Lagerfeld, Armani et Calvin Klein. Bande dessinée : il a publié, dans le journal gratuit « L.A. Reader », « le Chien le plus coléreux du monde ». Quatre images du même chien, trois de jour, une de nuit. D’une semaine à l’autre, le seul changement est la bulle de la dernière image. Disque : il a écrit et produit le premier album de Julee Cruise, qui chante dans « Twin Peaks » et interprète le générique de fin de « Blue Velvet ». Enfin, « Lost Highway », en 1997, et surtout « Mulholland Drive », en 2001 (prix du meilleur réalisateur à Cannes), sont de très belles machines à rêve, laissant parfois une impression de cauchemar. David Lynch dit volontiers être le frère de Franz Kafka. Et peut-être, aussi, celui de Donald Trump, non ? Marlène AMAR (Club Nouvel Observateur)