MYSTIC RIVER


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Fiche technique :
Film américain de Clint EASTWOOD
Année : 2003
Avec Sean PENN (Jimmy Markum ), Kevin BACON (Sean Devine ), Tim ROBBINS (Dave Boyle ), Kevin CHAPMAN (Val Savage ), Eli WALLACH (l'épicier ), Tom Guiry (Brendan Harris ), Spencer Treat CLARK (Ray Harris Jr.), Laurence FISHBURNE (Whitey Powers ), Marcia Gay HARDEN (Celeste Boyle), Laura LINNEY (Annabeth Markum ), Emmy ROSSUM (Katie).
Scénario : Brian HELGELAND d'après l'oeuvre de Dennis LEHANE
Photographie: Tom STERN
Musique : Clint EASTWOOD
Montage : Joel COX
Décors : Henry BUMSTEAD
Durée : 137 mn
Genre : Drame



 





L'histoire :
Jimmy Markum, Dave Boyle et Sean Devine ont grandi ensemble dans les rues de Boston. Rien ne semblait devoir altérer le cours de leur amitié jusqu'au jour où Dave se fit enlever par un inconnu sous les yeux de ses amis. Leur complicité juvénile ne résista pas à un tel événement et leurs chemins se séparèrent inéluctablement.
Jimmy sombra pendant quelque temps dans la délinquance, Sean s'engagea dans la police, Dave se replia sur lui-même, se contenta de petits boulots et vécut durant plusieurs années avec sa mère avant d'épouser Celeste.
Une nouvelle tragédie rapproche soudain les trois hommes : Katie, la fille de Jimmy, est retrouvée morte au fond d'un fossé. Le père endeuillé ne rêve plus que d'une chose : se venger. Et Sean, affecté à l'enquête, croit connaître le coupable : Dave Boyle...








Ces trois gamins-là n'auraient jamais dû se séparer. Jimmy, Dave et Sean, trois gosses d'un quartier populaire de Boston, habitués à battre le pavé ensemble, parties de base-ball ou de hockey improvisées en pleine rue. Jusqu'au moment où tout a basculé : Dave emmené de force, sous les yeux de ses camarades, kidnappé par de faux flics à la guimbarde douteuse. Il parvient à s'enfuir, quelques jours plus tard, courant dans la forêt sombre. Après que ses ravisseurs "ont bien pris leur pied", dira l'un des personnages...
Comme si ce trauma fondateur avait ensuite forcé chacun à prendre position d'un côté ou l'autre de la loi et de la morale, l'amitié s'est effilochée. Jimmy, ex-petit caïd, devenu chef de famille et figure du quartier, tient une épicerie. Dave vit une demi-vie, grise et torturée. Sean est flic. Le temps a passé, et un nouveau drame précipite les retrouvailles : Sean enquête sur la disparition de Katie, la fille de Jimmy. Le père n'est qu'un bloc de douleur, et Dave, à la conduite indéchiffrable, un suspect trop idéal.
En résumant ainsi, on ne dit pas grand-chose. Ici, l'intrigue policière importe moins que les conséquences humaines ­ à court ou long terme ­ d'événements dramatiques. La vie, en somme, rythmée par la peur et la perte.
Tiré d'un bon roman noir de Dennis Lehane, Mystic River est le vingt-quatrième film de Clint Eastwood. Et seulement le quatrième dans lequel il n'apparaît pas en tant qu'acteur. On devine que vingt ans plus tôt, il se serait mis de côté le rôle de Sean, le policier ­ tenu par un impeccable Kevin Bacon, dont le visage mutique peut évoquer celui du grand Clint. Mais, vingt ans plus tôt, se serait-il intéressé à ce polar presque dépourvu de scènes d'action, à ce conte noir aux personnages brisés, débordant de pathos ?
Dans un cinoche américain éperdu de jeunisme, la première qualité de Mystic River est justement de ne pas avoir peur de la douleur et des larmes. Rarement autant de noirceur, autant de désespoir palpable, se seront ainsi glissés dans un film de studio. Le revers de la médaille, c'est justement la tentation de la « grande oeuvre ». Parfois, dans le rôle de Jimmy, Sean Penn serre la mâchoire et retient ses larmes de façon trop ostentatoire ; dans celui de Dave, Tim Robbins joue les (faux) idiots du village avec un poil de complaisance inutile. Par instants embarrassée par l'excès de dialogues, la mise en scène surligne ce qu'elle aurait pu se contenter de suggérer, notamment la dimension spirituelle du sujet. Mais Eastwood sait préserver l'essentiel. Par sa capacité à ancrer ses personnages et son récit dans la réalité.
Tourné sur les lieux mêmes de l'action ­ au bord de la Mystic River, à Boston ­, le film semble mettre en scène de « vraies gens ». Pas des personnages de fiction, mais des êtres de chair et de sang. Eastwood parvient à rendre tangible l'idée de communauté. Hommes et femmes unis, de façon quasi tribale, par la proximité géographique, les liens du coeur ou du sang, et saisis dans une topographie réduite, lieux de vie ou de travail, quelques rues chargées de souvenirs...
C'est une communauté qui se retrouve et se soude lors de grandes cérémonies collectives : la première communion de l'autre fille de Jimmy, par exemple. Ou cette splendide dernière scène, parade de rue comme on ne peut en voir qu'aux Etats-Unis (et dans les films de John Ford ou Jacques Tourneur), qui noie les destins individuels dans une fatalité communautaire. Dans cette cité de tragédie moderne, les femmes ont un rôle fondamental. Marcia Gay Harden (vue récemment dans Pollock) joue l'épouse tourmentée de Dave ; Laura Linney est la monstrueuse Lady Macbeth, qui soutient Jimmy quoi qu'il ait fait. Deux personnages formidables et effrayants. Mystic River est traversé de fulgurances que peu de films américains savent nous offrir. Un plan terrifiant de Tim Robbins, éclairé par la lumière blafarde d'un écran de télé qui diffuse un film de vampires ; Marcia Gay Harden et Sean Penn, attablés dans la cuisine, partageant leur douleur : elle ferme un placard, machinalement ; il saisit une bouteille de whisky, la repose, sachant sans doute que l'alcool ne dissipera pas l'horreur. De petits détails, au détour d'un plan, des miettes d'humanité souffrante qui font un grand film.

Aurélien FERENCZI (Télérama)








COUSU MAIN PAR LE PATRON CLINT

Trois silhouettes d'hommes, noires, reflétées dans l'eau d'une rivière. Trois silhouettes tête en bas, bras ballants, jambes comme un peu vacillantes dans le friselis du courant. On pourrait dire paradoxalement que l'affiche du film de Clint Eastwood, en son clair-obscur, annonce la couleur : en blanc sur noir ressort le titre ­ Mystic River ; et en blanc sur bleu en petites pattes de mouche une phrase résume : «On enterre nos péchés, on ne les efface pas.» Une phrase écrite à la main. Et si le 25e film du réalisateur d'Impitoyable et de l'Homme des hautes plaines avait quelque chose d'un long métrage cousu main...
Un viol. C'est à quatre mains que le cinéaste et le scénariste Brian Helgeland ont adapté ce roman de Dennis Lehane où, dans le vieux Boston anciennement irlandais, on voit d'abord trois gamins jouant sur le bitume une partie de hockey. Au temps des années 70, dans une rue désertée, une dalle du trottoir venant d'être rebétonnée, voilà les trois d'inscrire dans le ciment frais leurs prénoms, se rêvant de la sorte une postérité. Ils s'appellent Jimmy, Sean, mais le nom du troisième, Dave, ne restera qu'à moitié tracé car d'une voiture ont surgi deux faux flics, qui ont emmené le garçon. Alors, de derrière la vitre arrière, le regard du captif vers les deux autres, restés pantois. Et gros plan sur la pogne d'un des pédophiles kidnappeurs : main ornée d'une chevalière avec ecclésiastique motif de croix. Puis vision du petit violé s'échappant au bout de trois jours. Trois...
Vingt-cinq ans auront passé quand le film reprend, découlant par méandres résignés de cette scène initiale. Vers la fin, au bord d'une parade patriotique, Sean, flic à la brigade criminelle de Boston, regarde Jimmy, ex-taulard, père de famille et épicier, dont la fille de 19 ans vient d'être sauvagement tuée. L'excellent Kevin Bacon, aussi acéré et blindé et limpide que pudiquement tendre, joue cet enquêteur qui, n'ignorant plus rien, mime d'un trottoir à l'autre l'action d'envoyer un coup de pistolet en plein front à son ancien ami d'enfance. Un geste de la main. Comme un jeu. Un tir fictif adressé ainsi qu'une bénédiction. Simulation muette d'un revolver qu'on décharge. Justice imaginaire rendue tacitement. La loi du silence sera observée. Et non l'autre, la vraie.
Message reçu par un Sean Penn tout du long sentimental et excessivement bord des larmes dans la peau de Jimmy : en bout de course dans la nuit noire de la Mystic River, ne vient-il pas d'exécuter le troisième des copains d'avant ? Une fois encore, la poisse est tombée sur le pauvre Dave. Pauvre misère. La faute à pas d'chance. Aux circonstances bien plus qu'aux supposés péchés. Il y a eu trahison de sa femme; confession extorquée. En un mot : méprise. Tim Robbins, semblant se mépriser lui-même, prête ses traits fatigués, un air pusillanime, à moitié vulgaire, au personnage théâtral du bousillé par l'existence qui, en mort vivant, lit à son fils des histoires de loup-garou et de chauve-souris, veillé puis lâché par une épouse brune sortie de la tragédie grecque.
Communion. Il y a dans le thriller métaphysique du grand confectionneur Eastwood un regard à la fois féroce et archi-empathique sur les Américains moyens, mais quand on dit moyen, cela ne signifie pas bourgeois, ou alors tout petits bourgeois, pour qui la première communion de la benjamine est l'événement de l'année. Conversation des hommes sur le porche d'une petite maison de bois typique de Boston capitale du haricot en grains, ou, plus loin, sur le rebord du trottoir tandis que, dans les cuisines et living encombrés, les femmes vont et viennent qui, celles-là, ne sauraient parler de Michelangelo.
Plus la situation s'aggrave, plus l'image se fait crépusculaire ; plus les symétries s'affirment; entre couples ; entre aperçus symboliques du fatum en action. D'allers à la morgue en retours vers l'épicerie. Sur une musique symphonique, ostensiblement funèbre : requiem en trois notes pour trois larrons qui n'auraient pas dû, ou pas voulu, écrire leurs noms dans le ciment frais.

Mathilde LA BARDONNIE (Libération)








Après un dernier film décevant, Clint Eastwood nous revient au meilleur de sa forme avec une nouvelle adaptation de roman (cette fois-ci signé Dennis Lehane). Son terrifiant Mystic River affirme une fois de plus que cet immortel pale rider au visage impassible est un très grand raconteur d'histoires du cinéma actuel, le dernier et digne représentant d'un classicisme américain qui nous est cher.
Comme Ford, il impressionne par sa capacité à camper des personnages en un rien de temps, ici trois amis d'enfance, Dave, Jimmy et Sean, habitant le même quartier difficile de Boston. Séparés par un événement dramatique, c'est également sous un jour funeste qu'ils se retrouvent, bien des années plus tard.
En une séquence, tout est dit : ces trois-là perdront leur enfance en même temps que cette balle, tombée dans une bouche d'égout et devenue irrécupérable. Si leurs jeux innocents ouvrent le film, ils le ferment aussi en scellant définitivement leur sort et principalement celui de Dave (Tim Robbins) : c'est le seul dont l'empreinte ne figure pas entièrement sur cette dalle de ciment frais qui leur inspire les signatures indélébiles de leur prénom. L'arrivée d'une voiture, la réprimande de son conducteur, l'enlèvement du garçon (et les abus sexuels qui suivent) sous les yeux de ses copains impuissants l'empêcheront de finir sa bêtise, d'écrire son prénom en entier. La symbolique est forte : ces événements signent son enterrement fictif, l'enfant perdant au cours de ce terrible rapt (qui est celui de son innocence) une part de lui-même.
C'est autour de ce terrible sceau que se déploie Mystic River. Il suffit que Dave, adulte, repasse avec son fils devant cette dalle-tombeau pour que l'on imagine cette stèle prémonitoire se rouvrir et que l'on voie s'en échapper tous les démons du passé. Le meurtre de Katie, la fille de Jimmy, constitue plus concrètement l'élément déclencheur de cette résurgence : les trois anciens amis devenus adultes se trouvent réunis par cela même qui les avait éloignés, à savoir une disparition. Mais, en plus des mauvais souvenirs, ce retour du passé convoque la suspicion. Sean (l'excellent Kevin Bacon, sorte de double d'Eastwood, plus subtil que Sean Penn et Tim Robbins) est devenu flic, Jimmy est un ancien délinquant apparemment rangé et Dave vivote de petits boulots.
Comme tout polar réussi, comme tout film d'Eastwood aussi, Mystic River dépasse les limi-tes du genre pour sonder en profondeur les zones d'ombre de l'âme humaine. Un pied dans la réalité urbaine, un pied dans les fantasmes, c'est autant un film fantastique qu'un film de la rue. Soulevée par de superbes passages nocturnes, cette part obscure décelable en chacun des personnages apparaît surtout à travers un troublant jeu de résonances. Il y a cette croix vue sur la chevalière d'un des deux kidnappeurs de Dave et celle tatouée sur la nuque du mafieux et pieux Jimmy. Il y a aussi pléthore de figures du mutisme : les coups de fil silencieux de la femme de Sean, le frère muet du petit ami de Katie, le silence de Dave, celui de Sean, le passé caché de Jimmy.
A travers ces correspondances, une toile abstraite se tisse, posant les jalons intimes d'un terrain de jeu dangereux, celui de la rue, celui de la vie, et révèle, loin de tout manichéisme, le sillage invisible et implacable de justices personnelles. Avec un sens inouï du détail et du rythme, Eastwood signe, sur le bord d'un trottoir, une bouleversante composition sur (et avec) le bien et le mal.

Amélie Dubois (Les Inrocks)











Mystic River - Interview







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