Retour Filmographie David CRONENBERG

THE NAKED LUNCH



Fiche technique :
Film américain de David CRONENBERG
Année : 1991
Avec Peter WELLER (Bill Lee), Ian HOLM (Tom Frost), Judy DAVIS (Joan Frost/Joan Lee), Julian SANDS (Yves Cloquet), Roy SCHEIDER (Doctor Benway), Monique MERCURE (Fadela), Nicholas CAMPBELL (Hank), Robert SILVERMAN (Hans).
Scénario : David CRONENBERG d'après l'oeuvre de William S. BURROUGHS
Photographie: Peter SUSCHITZKY
Musique : Ornette COLEMAN, Howard SHORE
Montage : Ronald SANDERS
Chef décorateur : Carol SPIER
Costumière : Denise CRONENBERG
Effets spéciaux : Chris WALLAS
1er assistant réalisateur : John BOARD
Durée : 115 mn
Genre : Drame
Titre français : Le Festin nu

L'histoire :
New York, 1953. Ecrivain, William Lee est un junkie réduit à gagner sa vie en exterminant des cafards. Victime d'hallucinations, il ne parvient pas à écrire: une étrange créature, le mugwump, lui dicte son comportement, le poussant à déjouer un mystérieux complot, à rédiger d'étranges rapports ou à se méfier de sa femme.
Il la tue accidentellement, et fuit en Afrique du Nord…

Critique :
Considéré un peu trop rapidement par la critique et le public comme un cinéaste de l'horreur, Cronenberg s'est révélé dès Videodrome comme un auteur préoccupé par le pouvoir et l'influence des images sur le cerveau. Il abandonne le temps d'un film (Faux-semblants, 1989, probablement son film le plus parfait) les créatures visqueuses puis y revient avec Le Festin nu, ce film somme, manifeste de son esthétique, qui déroute une fois de plus les spectateurs venus assister au carnage habituel de tout film d'horreur. Porté par l’unanimité critique et publique reçue par la destinée cruelle des jumeaux Mantle, Cronenberg peut enfin adapter pour l’écran ce qui reste son livre de chevet, et probablement l’un des plus déroutant du vingtième siècle.
Pour se déculpabiliser du meurtre accidentel de sa femme, l’artiste (William Lee) se réfugie dans un univers mental, celui de l'écriture d'un livre, qui se confond avec une zone de son esprit qu'il croyait morte (une "dead zone"), celle de l'Interzone. Le cinéaste traite du danger de l'écriture, du pouvoir de l'esprit sur l'environnement (l'écrivain est persuadé d'être à Tanger, et les décors de New York, où l'action se déroule en réalité, se transforment peu à peu en casbah marocaine), de la capacité de l'esprit à inventer des images, thèmes qu'il a déjà traités dans d'autres films, outre Videodrome: The Dead Zone, M. Butterfly, et plus récemment dans Spider. Film sur la possible fusion de l'esprit et de la matière, sur la dépendance à la drogue surtout, de ce "singe monstrueux du besoin qui te ronge la nuque et te grignote toute forme humaine", et enfin sur la sexualité, qu'elle soit homo (Crash, Faux-semblants, M. Butterfly) ou hétéro (la Mouche, Videodrome, Crash,... et surtout son premier film commercialisé en France, Frissons), Le Festin nu ressasse tous les thèmes développés dans les œuvres précédentes du réalisateur canadien.
Ce n’est pas la première fois que Cronenberg travaille sur un matériau préexistant. La Mouche est un remake, Dead Zone une adaptation de roman, Faux-semblants est tiré d’un fait réel. Mais à chaque fois, le cinéaste s’approprie ce matériau et l’intègre à son œuvre – l’exemple est flagrant avec La Mouche qui devient une métaphore du cancer qui a tué le père du cinéaste quand celui ci était encore enfant. Du Festin nu, Cronenberg fait un film de Cronenberg, et la particule "the" enlevée au titre original du roman montre bien le désir du cinéaste de se démarquer. Cependant, le changement par rapport au reste de son œuvre, c'est que pour la première fois chez le cinéaste, l’œil de la caméra dévoile une illusion, un fantasme, une hallucination, ce qui rend l'une des dernières scènes extrêmement intéressante: Bill Lee récupère sa machine à écrire-insecte Clarck Nova qu'il avait laissée chez un "ami". Cette machine, blessée, mal en point, donne quelques derniers conseils à l'écrivain puis meurt. Bill laisse tomber la machine... Plan suivant, la machine est à terre, cassée. On comprend alors que la scène était en narration interne et que le spectateur recevait le point de vue du personnage. Le plan de la machine cassée prouve que l'insecte a été rêvé par Bill, alors sous l'emprise de la drogue. Bill n'a pas vécu cette scène. Il l'a écrit! Le cinéaste opère ainsi de nombreux changements de point de vue pour démontrer que nous sommes de l'autre côté du miroir, dans l’œuvre d'art elle-même. De même, quand le "mugwump" dit à Bill de fuir à Tanger, il lui donne un billet de bateau. Quelques plans plus loin, Bill le montre à un de ses amis, "J’ai mon billet", mais il n’y a dans sa main qu’un flacon de poudre jaune, celui-là même que lui a donné le docteur Benway. Le spectateur a un accès objectif au monde intérieur de Lee et comprend l'importance de la drogue dans la création du monde mental de l'écrivain. La drogue remplace la machine à écrire - d'ailleurs, quand Hank ouvre le sac où est censée être la machine à écrire de Bill, il ne trouve que la panoplie complète du parfait drogué. Ainsi le cerveau de Bill, atteint par la drogue, est devenu une véritable machine à écrire qui ne s'accepte pas. L'homme Lee est une machine qui ne se reconnaît pas en tant que telle, et qui passe par le biais d'hallucinations pour se rêver Homme. Une tragédie tournée en véritable farce, finalement.

Anthony SITRUK (FilmdeCulte)

Absurde, déroutante et touffue, cette relecture du roman de Burroughs vaut surtout pour ses métaphores de l'écriture littéraire considérée là comme un acte vital, pulsionnelet meurtrier. Ecrire, c'est risquer et tuer sans cesse (quoi ? les tabous, l'ordre rationnel, la morale...), pour jouir du mot juste (figuré par l'éjaculation du mugwump, bestiole spongieuse assez marante.
A travers les métamorphoses de la machine à écrire, Cronenberg dit le grouillement des mots intérieurs, la torture du trou noir, la dissolution de soi. On savoure les esquisses de quelques VIP (Kerouac, Ginsberg, Paul et Jane Bowles...) associées à une bande-son dissonante ( les riffs d'Ornette Coleman). Mais on ne peut s'empêcher d'être frustré, covaincu que cette machine à fantasmes est finalement trop lourde pour produire de l'aléatoire. En un sens, Cronenberg a été plus proche de l'écrivain et de lui-même dans ses autres films.

Jacques MORICEK (Télérama)

Chef-d'oeuvre ou ratage ? Les métamorphoses des personnages en insectes ou la vision d'Interzone, contré imaginaire, sont d'une grande lourdeur, mais la virtuosité technique de Cronenberg est souvent étonnante.

Jean TULARD (Guide des Films, Collection Bouquins, Robert Laffont)

Découvrez d'autres sites sur Le Festin nu :

Ciné-Club de Caen
Wikipédia




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